La fin d’une longue attente
La NHL fait son come-back ce mercredi dans les patinoires nord-américaines. Après plus d’un an de «lock-out» sans aucun match, les meilleurs hockeyeurs de la planète pourront renfiler leur maillot, les fans reprendre place dans les gradins, et redécouvrir une saison longue de 82 rencontres. Enfin.
Par Gaspard Bremond
«Je me souviens». La devise de la Province du Québec n’a depuis bien longtemps eu autant de sens qu’en ce début de mois d’octobre. Les Québécois se souviennent de tout, eux qui possèdent la meilleure équipe de hockey du monde. Ils se souviennent du hockey d’hier, de celui des années 70, les Lafleur, Dryden et Esposito, mais aussi de celui des années 50, des Richard, Howe et cie. Rien ne leur échappe. Passée la nostalgie, les Québécois, encore meurtris, se souviennent encore trop bien de cette fameuse année 2005, où pas une patinoire de NHL ne leur proposa leur sport favori. Où, à force de se souvenir, ils crurent bel et bien que leur sport n’allait jamais s’en remettre. Ce 5 octobre donc, à l’aube de l’été indien, lorsque le premier palet tombera sur la glace, il sera encore temps de se souvenir du hockey d’hier, mais aussi du triste temps des «patinoires mortes». Se souvenir de tout, du bon comme du mauvais, et se lancer vers un hockey nouveau bâti sur de nouvelles bases. Car il n’y aura que comme cela que les plaies seront pansées.
Une NHL toute neuve
Jamais un simple face-off n’aura été aussi attendu et espéré dans l’histoire récente de la NHL. A 19h, heure locale, ce mercredi, rares seront les amateurs de hockey nord-américain absents devant leur poste de télévision. Tous ou presque auront un sentiment de soulagement, de joie intense, et d’immense émotion à l’heure du premier coup de patin. Tous, sans discussion, devront s’habituer aux nouvelles règles mises en places début juillet (1) et beaucoup d’entre eux, aussi, devront se réactualiser les effectifs en tête. Car aucune équipe n’est demeurée inactive sur le marché des transferts. Avec l’instauration d’un plafond salarial, les formations à gros budget ont dû dégraisser, et vendre. A l’inverse, les teams à moyen budget ont profité de la manœuvre pour récupérer d’excellents joueurs. Pour autant, la NHL sera-t-elle de suite plus équilibrée ? Il faudra sans doute un peu de temps pour constater cela, mais dans les deux ou trois prochaines années, nul doute que la ligue va tendre vers une homogénéisation claire et visible. Tampa Bay, vainqueur de la Coupe Stanley en 2004, défendra donc son Graal dans une nouvelle ère du hockey nord-américain. Plus de jeu, plus de buts, bref plus de spectacle, tels sont les maîtres mots des instigateurs des nouvelles règles. Déjà testée lors des matches de pré-saison, ces modifications au règlement ont rencontré un franc succès.
Une hiérarchie bousculée ?
Pendant un an, les meilleurs hockeyeurs du monde sont presque tous restés en activité. En Europe ou ailleurs, tous ont touché au palet durant l’hiver. Certains d’entre eux, les plus âgés, Messier McInnis et cie, un peu juste pour reprendre, ont décidé de prendre leur retraite, mais les autres, en revenant, ont participé aux traditionnels camps d’entraînement. Là aussi, les patinoires faisaient le plein, laissant présager le meilleur pour cette saison. Un exercice 2005-2006 totalement new-look, puisqu’un grand nombre de joueurs ont pris l’avion à destination d’autres clubs. Ainsi, des hockeyeurs à stature mondiale ont fait leurs valises. La liste est longue (2). Le visage de chaque club a profondément changé. Du coup, les ambitions ont-elles aussi évolué. Une dizaine de clubs peut prétendre à la Coupe Stanley dès cette saison. Tampa Bay, bien sûr, en champion, tentera de défendre son titre, Detroit, toujours et sa pléiade de stars, sera à surveiller. Philadelphie, l’une des grosses gagnantes de l’été avec l’arrivée de Forsberg, a de quoi faire peur, tout comme New Jersey et Boston, au rendez-vous des Play-offs chaque année. Les formations canadiennes, exceptée peut-être Edmonton, ont elles aussi de fortes chances de briller. Toronto et Ottawa en première ligne, Montréal, Vancouver et Calgary peuvent suivre derrière. Colorado, sans Forsberg, risque de perdre gros cette saison, mais la polyvalence de l’effectif devrait lui assurer une bonne place, tout comme les Stars de Dallas, où Mike Modano a finalement resigné. Au rayon des outsiders, Pittsburgh, et son très bon recrutement complété d’un Lemieux en quête d’une sortie en grande pompe, Atlanta, avec Hossa, Bondra et Holik, en plus d’un Kovalchuk pas encore contractualisé, a de bonnes cartes, Phoenix, avec à la barre «The Great One» Wayne Gretzky et Brett Hull l’expérimenté, Saint-Louis, peu actif mais toujours dans les huit premiers en avril, seront à prendre au sérieux.
Certaines formations se dégagent donc du lot, mais la saison est faite de 82 matches, et beaucoup de facteurs peuvent rentrer en compte et changer la donne. Le premier, tout nouveau, résidera dans la capacité qu’auront les joueurs à se remettre dans le rythme d’un championnat long, physique et éprouvant. A retrouver leur niveau, notamment pour les anciens repartis pour un dernier défi (Yzerman, Lemieux, Leetch, Hull etc..) après une année moyennement active. Le deuxième, aussi inhabituel, sera la capacité qu’auront les joueurs à revenir en forme des Jeux Olympiques de Turin, où la NHL enverra son contingent. Le troisième, comme dans n’importe quel sport collectif où autant de changements apparaissent d’un coup, consistera en la bonne adaptation des individualités recrutées au sein d’un groupe. Pour Pittsburgh, Philadelphie ou Los Angeles, par exemple, ce facteur risque de jouer un rôle important. Enfin, le quatrième pourrait se jouer sur des petits détails liés au nouveau règlement, les pénalités ou sur des tirs au but, où certaines équipes, au vu de leurs attaquants, paraissent mieux armées que d’autres.
Les sensations Crosby et Ovechkin
Au-delà des considérations globales mêlant les équipes favorites, la NHL version 2005-2006 va aussi permettre de découvrir deux nouveaux talents. Le premier, recruté en premier choix de Draft cet été par Pittsburgh, se nomme Sidney Crosby. Deux fois meilleur pointeur du championnat junior québécois, l’ancien joueur de l’Océanic de Rimouski a toutes les qualités requises pour se construire un joli palmarès. Certains au Canada lui prédisent déjà un avenir dans le top 10 des meilleurs scoreurs de la Ligue. Attention cependant à ne pas tomber dans un piège trop souvent connu outre-Atlantique, où le numéro 1 à la Draft fait banquette durant deux ou trois saisons, pour au final ne jamais exploser. Mais pour Crosby, l’affaire parait bien partie, car drafté par les Penguins et leur nouvelle armada, la pression risque de ne pas être focalisée sur lui. C’est tout le contraire pour le Russe Alexander Ovechkin, premier choix de Draft en 2004 par Washington, qui devra emmener presque à lui seul sa formation vers les Play-offs. Une mission donc bien délicate pour cet excellent technicien. La dernière attraction d'avant-saison aura pour point de chute Phoenix. «La Merveille» en personne, Wayne Gretzky, a décidé de se lancer dans le grand bain du coaching NHL. Plus d’un champion s’est raté dans cette entreprise (Maurice Richard par exemple), et l’ancien joueur des Oilers aura à sa disposition un groupe d’expérience, capable d’aller en Play-offs.
Tout un symbole. Le meilleur hockeyeur de l’histoire revient au bord des patinoires de NHL au moment de la grande reconstruction. D’une nouvelle ère appelée à être plus ouverte, plus offensive, laissant s’exprimer le génie de certains. D’un hockey taillé pour les champions. Dans le fond, d’un hockey «made in Gretzky».
(1) Les changements au règlement :
- Abolition de la ligne rouge.
- Réduction des équipements des gardiens de but.
- Limitation et contraintes du contrôle du palet par les gardiens à l'extérieur de leur espace réservé.
- Élimination des matches nuls avec l'apparition des tirs au but.
- Recul des filets de 60 cm plus profondément en zone défensive.
- Retour du hors-jeu à retardement à la ligne bleue.
- Saison de 82 matches, dont 8 contre chacune des équipes de sa division, 4 contre les autres équipes de sa conférence, et un total de 10 matches contre l'autre Conférence.
- Réduction de la zone neutre.
- Pas de changement de joueurs à la suite d'un dégagement interdit.
- Un hors-jeu pourrait être annulé à la discrétion des arbitres si ceux-ci jugent qu'il est le résultat d'une tentative de passe.
- L'instigateur d'un combat dans les cinq dernières minutes d'un match écope d'une inconduite de match et d'une suspension automatique pour la prochaine rencontre.
- Tolérance zéro face à l'obstruction et l'accrochage.
- Tout joueur qui envoie le palet dans les gradins à partir de sa zone défensive écope d'une pénalité de deux minutes. Auparavant, seuls les gardiens en étaient passibles.
(2) Principales arrivées:
Peter Forsberg à Philadelphie, Eric Lindros à Toronto, Paul Kariya à Nashville, Jeremy Roenick à Los Angeles, Dan Heatley à Ottawa, Alexander Mogilny à New Jersey, Nikolay Khabibulin à Chicago, Scott Niedermayer à Anaheim, Brett Hull à Phoenix, Chris Pronger à Edmonton, Tony Amonte, Brian Leetch à Boston, Marian Hossa à Atlanta, John Leclair, Marc Recchi, Sergei Gonchar et Zigmund Palfy à Pittsburgh, enfin Tony Amonte à Calgary.